Les contrats MUSM – Mesures Urgentes en Santé Mentale : comment l’urgence de la crise du COVID a su mettre en lumière des besoins de terrain présents de longue date.

Publié par le 05 novembre 2024

La période du confinement est passée. Le covid est encore présent mais son visage a perdu son effroi. Le tsunami est loin derrière nous. Néanmoins, les ravages de cette catastrophe sanitaire ne peuvent nous échapper. La santé mentale des Belges est loin d’être au beau fixe et les difficultés psychiques de la population semblent persister plutôt que de s’atténuer.

L’urgence qu’a suscité la crise sanitaire du covid en 2020 a fait sonner l’alerte auprès des dirigeants politiques. Dès lors, des subventions supplémentaires ont été octroyées aux institutions de santé mentale, tels que les SSM1, les PF2 en SM3, et les PF de concertation en SP. Indispensables par la nature urgente de la situation sanitaire, les employés « MUSM » ont pu venir en aide aux équipes existantes pour éviter une saturation (déjà présente de longue date) du réseau de la santé mentale.

Chez Pallium, nous avons également eu le droit de bénéficier des subsides « MUSM ». De nouveaux collègues psychologues ont pu ainsi venir en renfort à la plateforme pour répondre aux besoins du terrain. D’emblée, Pallium a choisi l’intégration : les « psychologues MUSM » font partie de l’équipe de base au même titre que les autres psychologues de la plateforme avec, toutefois, une mission plus spécifique auprès des MRS4. Cette mission permet aux psychologues MUSM de participer activement à la pluridisciplinarité en institution. La situation de crise en MRS a suscité de nombreuses demandes de soutien, d’aide et d’accompagnement psychologique : une permanence a été proposée en institution afin d’intervenir directement auprès des personnes concernées : résidents, proches, familles et personnel soignant. La présence de ces psychologues MUSM en MRS a favorisé de nombreux échanges informels avec le personnel, entre deux urgences, permettant un moment de soutien, dans un coin de couloir, « l’air de rien » mais tissant ainsi des liens durables avec les institutions.

Aujourd’hui, les MRS connaissent Pallium et nous font confiance. La collaboration entre professionnels de MRS et psychologues de l’équipe de Pallium permet de faire émerger de nombreuses demandes, restées jusque-là sous silence, et d’y répondre.  En effet, face à la souffrance psychique et la détresse existentielle en fin de vie, face aux difficultés cognitives, face aux pertes et au deuil, les équipes peuvent se sentir démunies. Aussi, les demandes d’euthanasie, notamment celles qui émanent des personnes en souffrance psychique, peuvent être difficiles à entendre et à porter. Nous constatons que les situations d’euthanasie touchent l’entourage tout entier de la personne concernée : ses proches, sa famille, son médecin, l’ensemble des soignants, le personnel administratif, les directeurs/directrices et les autres résidents de maison de repos. Il nous tient à cœur de mettre nos connaissances spécifiques et nos compétences d’accompagnement au service de la personne concernée par la demande et de chaque personne qui l’entoure.

Par ailleurs, pour répondre plus globalement aux besoins de terrain, les permanences ont été mises entre parenthèse au profit du développement de projets durables en maison de repos, avec le soutien des subventions MUSM. Ainsi sont nés des initiatives correspondant à nos missions de deuxième ligne :

  • des lieux de parole à destination du personnel soignant en difficulté face à un décès traumatique ou un accompagnement difficile
  • des suivis psychologiques individuels pour les résidents en institution et/ou leurs proches à la plateforme

Mais ce n’est pas tout ! Dans la lignée de nos missions de troisième ligne, qui se concentrent autour de la diffusion de la culture palliative, certains projets ont pu être renforcés et des initiatives ont pu voir le jour dans les maisons de repos :

  • des séances d’information au sujet des soins palliatifs et de leur réseau
  • des séances d’informations au sujet des lois sur les droits du patient et sur l’euthanasie 
  • des formations spécifiques aux soins palliatifs, à la demande
  • l’aide au développement des cellules palliatives
  • des accompagnements de pratiques

Est-ce que l’offre crée la demande ? Nous constatons plutôt que notre disponibilité permet de répondre à l’émergence de demandes qui correspondent à des besoins présents de longue date.

En ce qui concerne la mise en place des cellules palliatives en maison de repos, celles-ci mettent en exergue l’importance d’un accompagnement spécifiquement global et pluridisciplinaire des personnes en fin de vie qui résident en MRS et sont donc constituées de professionnels de l’institution, dont le référent palliatif/la référente palliative. Notre mission est d’accompagner l’initiation, la mise en place et la consolidation à long-terme de ces cellules palliatives, mettant à disposition nos connaissances, notre expérience et, surtout, notre temps. Cette mission est loin d’être achevée puisque de nombreuses MRS sont en demande et en construction de ce projet. Actuellement, sur les 52 maisons de repos du Brabant Wallon, 4 (Orne, Closière, Chenoy, Nil) ont pu créer une cellule palliative et 2 (Aurore, Jean de Nivelle) sont actuellement engagées dans cette démarche. Sans avoir le renfort des personnes sous contrat « MUSM », nous ne pourrions pas dégager le temps nécessaire qui nous permet de contribuer à implémenter cette culture palliative dans les maisons de repos.

Par ailleurs, au travers des cellules palliatives, nous soutenons le référent palliatif/la référente palliative en maison de repos dans sa mission. En effet, les référents palliatifs étaient souvent isolés et en difficulté face à leur mandat. Le développement des cellules palliatives a permis aux référents de s’entourer de collègues dans une réflexions communes au sujet des soins spécifiques des personnes en fin de vie. Cette pluridisciplinarité forme un véritable levier d’action pour continuer à diffuser la culture palliative dans l’institution. Par ailleurs, la pluridisciplinarité des cellules palliatives a permis de dynamiser nos commissions des référents palliatifs. Lors de ces réunions, les référents peuvent échanger entre eux, nous faire parvenir leurs souhaits de formation ou de sujets à aborder, discuter à propos des pratiques en MRS par rapport à la fin de vie telles que les aménagements ou les rituels et déposer des inquiétudes ou des difficultés rencontrées. Ce temps de réunion proposée est aujourd’hui rendu possible grâce aux renforts des subsides « MUSM ».

Enfin, en ce qui concerne les accompagnements de pratiques, celles-ci ont pu se développer à la suite de l’augmentation du nombre de psychologues. Au départ, ce service permettait de répondre aux questionnements éthiques suscités par la crise sanitaire. Beaucoup de professionnels de la santé ont été confrontés à des dissonances entre, d’une part, ce qu’ils auraient voulu faire d’après leurs croyances et leurs valeurs et, d’autres part, ce qui était possible avec l’urgence et la réalité du terrain. Ces questionnements ont pu être douloureux pour les équipes de première ligne. Actuellement, la détresse en fin de vie, les demandes d’euthanasie, les difficultés de communication entre proches, familles, résidents et soignants, continuent d’interroger les professionnels. A leur demande, Pallium propose des temps de réflexions éthiques au sujet de leurs pratiques afin de prendre le recul nécessaire. Grâce aux psychologues MUSM, cette offre de soutien des professionnels peut se poursuivre et répondre ainsi à une demande qui persiste au-delà de la crise sanitaire.

Par ailleurs, le renforcement de notre équipe de Pallium nous permet d’avoir davantage de temps à consacrer au réseau. En effet, nous participons aux réunions de concertation proposées par d’autres associations et institutions (ECCOSSAD, CLPS, …). Nous avons également l’occasion de créer plus de lien avec le réseau des soins à domicile (maisons médicales, médecins généralistes, respect senior, CAL, pastorale de la santé, …) au profit des personnes que nous accompagnons, permettant ainsi une mise en commun des vécus et une proposition d’intervention plus ajustée et plus pertinente.

Enfin, n’oublions pas que notre cheval de bataille, le PSPA – projet de soins personnalisé et anticipé, a pu continuer à prospérer en MRS comme à domicile, grâce au temps supplémentaire dont nous disposions pour aborder les souhaits en fin de vie des personnes que nous rencontrons.

Dès lors, même si le renfort des psychologues qui travaillent sous un contrat subventionné par les « MUSM » n’a plus de lien direct avec la crise sanitaire du covid-19, il n’en reste pas moins indispensable aujourd’hui, étant donné la santé mentale de la population et étant donné les nombreux projets pertinents, répondant à de vrais besoins de terrain, qui ont pu voir le jour.

En tant que plateforme de concertation en soins palliatifs, nous sommes convaincus de l’apport indispensable offert par le renfort des MUSM. Nous espérons pouvoir compter sur la pérennisation des contrats MUSM afin de continuer à rendre les soins palliatifs accessibles à tous, encadrés par des équipes pluridisciplinaires qualifiées et centrés sur l’accompagnement humain et digne qui nous tient à cœur.

  1. service de santé mentale ↩︎
  2. plateforme ↩︎
  3. santé mentale ↩︎
  4. maison de repos et de soins ↩︎